La Nuit se lève


texte


Mélissa Zehner


mise en scène


Mélissa Zehner et Les Palpitantes






© Nicolas Echeynne

Vu au Théâtre Paris-Villette le 24 janvier 2025


                                    



“Sous l’œil de Chrysippe



À celles et ceux qui pensaient le drame sociétalo-didactique en perte d’inventivité et d’effectivité, Mélissa Zehner prouve avec La Nuit se lève que celui-ci peut encore, lorsqu’il est très bien écrit et interprété comme ici, faire complètement théâtre.

Le spectacle se distingue des textes récents, littéraires ou analytiques, ayant traité de l’inceste en ceci qu’il assume, bien qu’il paraîsse complètement viscéral, sa large part fictionnelle. Mais aussi parce que le temps du théâtre n’entend pas se confondre ici encore avec la levée patiente et spectaculaire d’un tabou. De fait, l’ambition profonde de La Nuit se lève n’est pas tant celle d’une révélation, car la dramaturgie prendrait alors le risque – pointé par Triste tigre de Neige Sinno – que l’acte traumatique demeure un point névralgique, surplombant et dominant paradoxalement la représentation. Aussi cette Nuit fait-elle quasiment disparaître les tigres et fait-elle prioritairement corps avec les victimes et leurs lendemains. Plus concrètement avec les parcours cliniques de reconstruction, avec les chaotiques et inénarrables résiliences de Lisa, Lola ou Annie, que le spectacle entremêle sans linéarité ni souci d’exhaustivité narrative. Les parcours se tissent alors sans systématisme dramaturgique ; leur surgissement discontinu mime les labyrinthes et les accoups qui les remuent, et fait d’autant mieux exister les tragédies imprévues qui les brisent.

L’écriture de Mélissa Zehner, toujours vitalisée par la grande singularité et intériorité de chacune des interprètes, a pour vraie qualité de ne pas sacrifier à l’exigence d’un discours clair et frontal un vrai pari de la complexité et de la dialectique. Aussi La Nuit se lève est-il un spectacle résolument polyphonique dans lequel chaque personnage parle une langue, déploie des terreurs, des rêves et des arts qui lui sont propres. Un spectacle d’idées et d’inquiétudes dans lequel nous percevons notamment très bien la divergence des solutions trouvées à tâtons, des vengeances sans violences (ou alors seulement en fantasme) inventées par ces femmes pour confronter le  “brave père de famille”. La Nuit se lève soulève alors ses grandes violences par la douceur de cette sororité diffractée qui prend un corps bouleversant au fil de cette œuvre aussi militante qu’accueillante.




Pierre Lesquelen, 28 janvier 2024.
    


Texte Mélissa Zehner 

Mise en scène Mélissa Zehner et Les Palpitantes

Assistées d’Eva Kirsch 

Avec  Laure Barida, Sara Charrier, Vinora Epp, Maud Gripon, Mélissa Zehner

Dramaturgie, oeil extérieur Clara Bonnet

Soutien dramaturgique, mise en scène Maud Gripon, Sara Charrier

Soutien à la direction d’actrices et oeil complice saison 23-24 Christelle Simonin

Regard extérieur et direction d’actrices saison 24-25 Marie Menechi

Collaboration artistique Laure Barida, Vinora Epp, Malou Rivoallan

Composition musicale Malou Rivoallan

Scénographie Loana Meunier
Assistée de Valentine Aubin

Costumes Malaury Flamand

Création lumière Lou Morel





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