Méditation

conception

Stéphanie Aflalo





© Christophe Raynaud de Lage



Vu dans la cour du jardin de la Vierge, dans le cadre de Vive le sujet ! au Festival d’Avignon IN, le 11 juillet 2024

                                    



“Comme un feu rouge éternel sur la route du temps“



La mort rôdait déjà dans la précédente récréation philosophique de Stéphanie Aflalo. Ici elle fait tourner la table immobile de trois conférencier.e.s qui, dans une suite suspendue de tentatives métaphoriques, posent des images sur son indicible passage.

Dans L’Amour de l’art, le langage ne regardait pas la mort en face ; les deux pseudo-spécialistes retenaient une série de vanités picturales dans les grilles scolaires d’un message au vertige stabilisé, dans une formule rédupliquée et vidée de son abîme (le bien appris « memento mori »). Sauf que la mort, congédiée par cette parole alors hostile aux ténèbres, semblait cogner contre les toiles, et que les deux compères qui croyaient bien voir trahissaient à quel point les tableaux les regardaient ténébreusement. Stéphanie Aflalo et les deux expérimentateurs linguistiques qui la rejoignent ici – aux patronymes communément chaleureux – mettent cette fois la langue au contact obstiné de la Chose. Et l’artiste cherche de nouveau à faire tomber non pas tant le magnétisme et la sacralité, mais l’inaccessibilité sensible et intellectuelle des réalités dites supérieures. Après l’art qui perdait son autorité sémiotique, voici que l’énigme des énigmes devient susceptible de prosaïsme. La Chose devient chose ; la mort se compare à un tube sans rab de dentifrice.

En effet, s’inventent au présent des comparaisons délibérément douteuses et boiteuses qui, sans signe extérieur de métaphysique, parviennent par-delà leur drôlerie à nous faire méditer sur ce qui glisse hors de la blague. Rappelés à leur squelette par un barbouillage de fortune et par un attribut hamlétien posé devant eux.elles, kitschement inquiétant, les trois interprètes banquettent comme les égyptien·e·s autour de leur future carcasse (anecdote de Montaigne exposée au début du spectacle). Et parfois la langue meurt ; elle fait une pause plus ou moins longue, possiblement définitive, et c’est le corps qui endosse l’inconnaissable. Encore un peu schématique dans le cadre essayiste du Vive le sujet, la troisième récréation aflalienne s’inscrit déjà singulièrement dans un champ théâtral fort intéressé par la mort ; dans un paysage théâtral très imprégné par les sciences sociales elles aussi prolixes sur le sujet (celles de Despret ou d’Horvilleur en particulier), où les gestes scéniques sacralisent à qui mieux mieux l’espace styxien du théâtre, et font communiquer à l’envie vivants et morts sans repenser l’instant opaque qui les séparés. Se risquer alors à philosopher de nouveau le grand Passage est un acte très salutaire. Agamben disait que seul l’humain possède la faculte da la mort et celle du langage : voilà cette dialectique on ne peut mieux exhumée par un acte théâtral.



Pierre Lesquelen, 14  juillet 2024
    


Distribution 

Avec Stéphanie Aflalo, Jérôme Chaudière (Compagnie l'Oiseau-Mouche), Grégoire Schaller

Texte et mise en scène Stéphanie Aflalo

Collaboration à la chorégraphie Grégoire Schaller

Collaboration à la dramaturgie Samuel Hackwill

Direction de production Maria-Carmela Mini

Production et diffusion Lisa Antoine  

Communication Astrid Herbron, Louise Marion

Administration Adèle Devos










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