EN UNE NUIT


création collective de


F. Despy, S. Hardouin, J. Lequette et E. Zingaro Meyer


d’après l’œuvre de 


Pier Paolo Pasolini




© Elsa Seguier Faucher

Vu au Théâtre Sorano dans le cadre du festival Supernova - 17 novembre 2023

                                    



“Qu’avez-vous fait de ma mort ?“




Les œuvres pensées comme des connexions ludiques avec d’illustres figures du XXe siècle ne manquent pas dans le jeune paysage créatif. Autant une enquête sur la nuit historique du 2 novembre 1975 qu’un hommage à la force nocturne du théâtre - lieu sous-exposé propice à la refabrique des idoles (cf MegaSuperThéâtre) - En une nuit de Ferdinand Despy, Simon Hardouin, Justine Lequette et Eva Zingaro-Meyer est donné comme un hypo-spectacle. Comme une œuvre ouverte et offerte à partir de laquelle notre imaginaire est censé s’imposer la sienne - hommage littéral à l’idéal pasolinien de l’art.

Ces quatre créateur.rice.s partagent avec Milo Rau non pas tant une croyance dans le pouvoir résurrecteur de la scène qu’une conception du théâtre comme représentation irrefermée grâce à laquelle les abîmes du passé continuent de fourmiller. L’ambition à première vue démesurée du spectacle - remuer le cadavre de Pasolini et les significations de sa mort - est combattue par sa dramaturgie ostensiblement désolée. N’est promise d’entrée qu’une enquête brouillonne, qu’une œuvre embryonnaire, qu’un rebond de conjectures et de reenactments des plus artisanaux (défilé Pasolini en costumes cartonnés…). Connecter cette jeune génération d’interprètes à la disparition d’un artiste lui-même collecteur d’un monde disparu : voilà une forte ligne dramaturgique qu’En une nuit ne foule toutefois pas suffisamment. De fait, le geste semble moins situé et engagé que disposé dans un présent théâtral plutôt abstrait. Ce fameux temps ludique de l’œuvre en train de se faire qui est devenu, à force d’être convoqué par tant d’expériences contemporaines, un temps plus fictionnel que réellement performatif et situationniste.

Aussi le spectacle finit-il par cultiver un esprit voire une grammaire ludique plutôt que d’authentiques béances, rebonds et dissonances. Aussi emporte-t-il très rapidement - passage révélateur - une installation contemplative du cadavre invisible dans des commentaires métaréflexifs et potaches. Aussi l’Œuvre qui est censée nous venir par-delà la scène proposée est-elle plus théorique que réellement disponible. Et nous ne savons jamais très bien si la protestation d’esquisse qui gagne même le sous-titre (Notes pour un spectacle), filée par de fréquents discours réflexifs, constitue une caution dramaturgique, une justification après-coup du fragmentaire, ou bien un véritable programme esthétique qui a dirigé la création. Et peut-être cette nuit serait-elle d’ailleurs plus ouverte si elle ne surjouait pas la carte de l’œuvre à investir. Car le contraste entre cette sur-disponibilité affichée et la représentation parfois didactique et unilatéralement positive de Pasolini (le pan de la sexualité, susceptible de problématisation contemporaine, n’est effectivement pas du tout abordé) rend l’expérience quelque peu bouchée, voire satisfaite. Il reste toutefois à préciser que, par-delà ces réserves sur la qualité expérimentale du spectacle, En une nuit demeure une œuvre maîtrisée esthétiquement, qui est à n’en pas douter le fruit d’une fouille nourrie et d’intuitions théâtrales singulières. Peut-être est-elle simplement l’exemple d’un théâtre de recherche dont la formalisation spectaculaire a éteint quelques lucioles.



Pierre Lesquelen, 5 décembre 2023.
    

Distribution 

D’après l’oeuvre de Pier Paolo Pasolini

Écriture, mise en scène et interprétation Ferdinand Despy, Simon Hardouin, Justine Lequette et Eva Zingaro-Meyer

Collaboration à la mise en scène et assistanat Orell Pernot-Borràs

Scénographie et création costumes Elsa Séguier-Faucher

Création lumières Caspar Langhoff  et Lila Ramos Fernandez

Régie lumière Lila Ramos Fernandez

Assistanat à la mise en scène Antoine Herbulot

Regard artistique Nicolas Mouzet-Tagawa 

Regard dramaturgique Nathanaël Harcq

Aide à la création sonore Laurent Gueuning, Eric Degauquier et John Cooper

Coach vocale Brigitte Romano

Régie son et régie générale John Cooper





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