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La Fête des mères


texte


Zelda Bourquin


mise en scène


Zelda Bourquin et Julie Crantelle






DR

Vu au Théâtre de la Reine Blanche, le 19 septembre 2025


                                    



“Féminisme joyeux“




Présenté comme le rituel réparateur d’un « féminisme joyeux » voulant interroger le lien entre la figure de la mère et de l’enfant autour de la santé mentale, La Fête des Mères interpelle plutôt sur ce que les tropes esthétique d’un certain féminisme mainstreamisé peuvent produire politiquement et théâtralement.

La forme alterne entre des monologues - parfois adressés au public - et des séquences scéniques plus démonstratives (vidéo projetée, numéro de GRS, danse comico-sacrée…) selon une rythmique attendue et finalement assez limitée du point de vue de l’effet, où l’interpénétration du verbe et de l’image peine à fertiliser une rencontre des systèmes esthétiques. La circularité logorrhéique de l’écriture monologuée ne parvient pas à se faire un effet transmettant l’irréconciliable du chagrin ou la confusion des affects ; face à la difficulté d’expériences où s’entremêlent des luttes intimes, hégémoniques et politiques. Une volonté explicative limite souvent l’impact des concepts et des sensations invoqués, noyés sous les images stylistiques dont la charge affective n’a pas l’espace nécessaire, rythmiquement, pour faire chemin dans la psyché du.de la spectateur.ice – ce cinquième mur selon Castellucci. Si l’engagement physique de l’interprète soutient le projet textuellement explicité d’une séance théâtrale comme cadeau auquel l’émetteur.ice prendrait aussi du plaisir, l’esthétique comique peine à faire de sa prétendue légèreté de ton un outil au service de sa dramaturgie.

La promesse de réparation par la célébration s’efface au profit d’une prolifération langagière, qui coupe le sens de la performance. Les efforts du dire, hésitant entre imaginaire poétique du verbe et explications mêlées de mythes féministes panthéoniques, entravent l’émergence d’une pensée vécue, plaquant finalement un système de réflexion politique dont il ne reste que les totems aussi récupérables que déjà récupérés par l’intersection d’un féminisme et d’un discours capitaliste. Les items féministes s’y glissent comme autant d’axes dramaturgiques séquenciés peinant à faire émerger une direction globale, ainsi que comme des images simplifiées, libérant la charge néolibérales qu’une certaine articulation entre matérialisme et sacralisation du féminin induit - neutralisant au mieux l’impact révolutionnaire contre-hégémonique de tels concepts. La mise en scène du désir de féminiser la déité grince, par exemple, ici, comme une figure vieillissante, dont la théâtralisation proposée par le spectacle ne parvient pas à dépasser les impasses et les problématiques, en les mobilisant dans l’évidence d’une charge politique supposée que le spectacle n’explicite qu’en surface.

De même, les tentatives de discours écoféministes se limitent vite d’eux-mêmes dans un parallèle entre « mère et terre » qui inquiète par sa simplification potentiellement essentialisante, et évacue par là les enjeux que pourrait soulever, par exemple, le croisement d’avec une pensée sur ce qu’on nomme « folie » - thématique présente en filigrane. Si l’interprète clame que « la thérapie est capitaliste », l’alternative proposée implicitement, oscillant autour d’une mystification au accent de développement personnel, ne convainc pas et interpelle sur ce que l’intégration mainstream de concepts féministes lissés jusqu’au cliché permet de justifier, et sur ce qu’elle entrave dans une réflexion sensible - là où l’opération scénique pourrait être l’endroit d’une préhension nouvelle de ces champs de pensées, que la forme du seul.e-en-scène permettrait précisément d’intégrer à un vécu complexe selon une modalité réflexive s’emparant activement des lignes de tensions politiques.

Cette jeune création, dont la première session de représentation après une sortie de résidence a débuté tout récemment, rappelle les dangers d’une utilisation rapide des totems féministes, dont la charge néolibéral se révèle dans la simplification de ses réflexions.




Evodie Gonzalez, 22 septebre 2025.



Texte Zelda Bourquin

Mise en scène Julie Crantelle, Zelda Bourquin

Jeu Zelda Bourquin

Accompagnement à la scénographie  Louise Digard

Confection de la couronne Ivan Terpigorev

Lumières Antoine Gautier



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