RICHARD DANS LES ÉTOILES


texte et mise en scène


VALÉRIAN GUILLAUME





© Etienne Faivre

Vu au Théâtre de la Cité Internationale - 4 décembre 2023.

                                    



“Quitter la baraque“




Valérian Guillaume déploie un théâtre présidé par le poème mais qui vise une autonomie plastique. Allégorie anti-déterministe, Richard dans les étoiles reflète cette ambition salutaire dans le champ des formes contemporaines, où l’on se satisfait souvent de la langue dès lors que celle-ci est atypique, sans toutefois la satisfaire scéniquement.

Pouvant rappeler les hauts murs pailletés des spectacles de Guillaume Vincent, la scénographie de James Brandily joue du divorce entre la féérie hors-sol de ses lourds rideaux cabarétiques et l’indice central qui l’occupe : la baraque à frites légendaire dont a hérité Loïc, ilot de réel dans l’attente du grand étoilement. Cette tension du quotidien vers le décorum métaphorise à la fois le destin spectacularisé de Loïc, chargé de reprendre marionnétiquement l’attraction familiale, et matérialise en même temps ses désirs bruissants de hauteurs. L’argument unitaire du poème, irrigué par l’injonction à avoir la frite qui circule de bouches en bouches, s’oppose à sa structure des plus sporadiques et au lot d’événements scéniques qui viennent redoubler les réalités réversibles et émancipatrices de Loïc. Déréalisé, chaotisé, cosmoïsé : l’espace s’affranchit lui-même de sa ronflante salle des fêtes qui programmait les rêves d’enfants.

Toute fantaisie, aussi friable soit-elle, mérite une rigueur scénique si elle veut chahuter l’imaginaire. Ici cependant, la direction d’acteur.rice.s mène moins à une parole singulière qu’à une certaine imagerie du poétique : monologues pris à toute allure (vieux gage d’athlétisme cher à Novarina), mots étranges prononcés avec amusement plutôt qu’en profondeur, petites paroles frontales en contraste qui tentent de naturaliser une langue qui ne l’est pas… Aussi l’écriture de Valérian Guillaume guette-t-elle encore sa théâtralité. Celle-ci, en tout cas, semble encore préexister au geste scénique qui s’est visiblement davantage soucié d’une réalité plastique qui, elle non plus, ne densifie pas le verbe. Car trop soucieuses de leurs résultantes esthétiques (notamment la vision quesnienne finale, laborieuse à disposer), de leurs effets que la réalité technique du spectacle (notamment la lumière qui manque d’un langage clair) rend souvent défaillants, les images deviennent des trouvailles préservées, sans nécessité dramaturgique tenace, et n’étincellent pas le récit. C’est pourquoi ce conte à la Gondry nous apparaît-il en l’état quelque peu insignifiant, alors que ce nouveau drame de subversion d’un ordinaire tout tracé aurait pu être aussi universel et espiègle que toute bonne fable surréaliste.



Pierre Lesquelen, 5 décembre 2023.
    

Distribution 

texte et mise en scène Valérian Guillaume

scénographie James Brandily

musique Victor Pavel

vidéo Pierre Nouvel

lumière Sylvain Séchet

costumes Nathalie Saulnier

dramaturgie Baudouin Woehl

assistanat à la mise en scène Mégane Arnaud

régie générale, son et vidéo Margaux Robin











    ︎  ︎︎  MENTIONS LÉGALES︎  CONTACT 
© 2022 - Tous drois réservés