ZOÉ [ET MAINTENANT LES VIVANTS]
texte et mise en scène
“Le théâtre sera le baume”
Le décor est épuré, formant une page blanche, celle des journaux intimes et des nouveaux départs. Avec le naturel qui est le sien, ému et souriant, avec un léger recul ironique sur lui-même, il adresse ses souvenirs d'adolescent au public comme si ce dernier était un proche de la famille. Il met dans la bouche de ses généreux interprètes, Marilou Aussilloux et Serge Avédikian, les mots d'une sœur et d'un père pour raconter trois trajectoires de reconstruction. Il y a d'abord la douleur qu'il faut porter à trois, l'enterrement qu'il faut surmonter ensemble, puis l'observance de shiva, la semaine de deuil dans la tradition juive, qui doit unir le cocon familial dans une trajectoire commune de deuil. Mais une fois passée cette semaine instituée par la tradition religieuse, chacun est censé recommencer à vivre ; et c'est là que les choses se compliquent. Comment faut-il continuer? Et surtout, comment continuer ensemble ? Pour cela, il n'y a ni mode d'emploi, ni vision commune. De là, des parcours individuels se dessinent. Les éloignements et les incompréhensions naissent, bien que l'amour pour Zoé, le spectre aimant de cette mère et épouse adorée, unissent ces vivants chacun partis de leur côté. Tandis que Nola, la grande sœur, « fait sa vie », tombe enceinte, fonde une famille, le père tombe amoureux d'une autre femme et Sacha s'adonne au théâtre : chacun sa réparation.
C'est alors que Théo Askolovitch se sert du théâtre pour opérer une réparation collective de la famille. Tel un anti-Hamlet, il fait jouer aux comédiens de grandes scènes de crise ou d'intimité familiale pour dire à un père, une mère, une sœur, son amour, son admiration et sa compassion. Le théâtre fonctionne comme une thérapie ayant pour but de ressouder la famille, où chacun apprend à comprendre la trajectoire de reconstruction de l'autre, reconnaît ses erreurs, s'avoue ses incompréhensions. Le théâtre devient le stratagème par lequel Théo Askolovitch semble réunir les spectres des vivants et des morts au sein d'un même espace-temps, celui du souvenir, pour leur dire ce qu'il est parfois plus difficile à dire dans la vie que sur scène : pardon, je te comprends et je t'aime.
Anne-Laure Thumerel, 26 octobre 2023.
Distribution
Écriture et mise en scène Théo Askolovitch
Collaboration artistique Marilou Aussilloux
Interprétation Théo Askolovitch, Marilou Aussilloux, Serge Avédikian
Assistant à la mise en scène Flavien Beaudron
Créateur son Samuel Chabert
Créateur lumières Nicolas Bordes
Création vidéo Jules Bonnel, Robinson Guillermet
Costumes Juliette Chambaud
Stagiaire à la mise en scène Mathilde Ngasi