DUET


conception


TORO TORO





© Hervé Lassïnce

Vu au Théâtre Garonne (Toulouse) dans le cadre du Festival Supernova du Théâtre Sorano  - 21 novembre 2022


                                    

“Chacun.e cherche son singe“



Duet, crée au Théâtre Garonne en novembre dernier dans le cadre du Festival Supernova, révèle la théâtralité duelle de Toro Toro (Margot Alexandre et Dans Laborde-Jourdàa), dont le mélodrame vaudevillesque un brin pinterien (gorgé d’étrangetés et d’ellipses) se conjugue à une recherche corporelle, extra-verbale, qui dilate son substrat dramatique.

Puisque Duet est de ces œuvres profondément individuantes* qui n’induisent aucune lecture satisfaite, nous nous contenterons d’en évoquer la trajectoire extérieure : celle d’un singe qui, après s’être caché sous une « pile de draps repassés » (c’est en tout cas l’hypothèse de Robert), finit par contempler avec l’un.e de ses semblables une météorite en approche. Ce motif mélancholien ne range pas pour autant le spectacle du côté des fables apocalyptiques, tant la dramaturgie d’Alexandre et Laborde-Joudàa semble hybrider plusieurs fictions et plusieurs allégories possibles. Le singe lui-même demeure un symbole aux mille échos, ne désignant pas seulement une humanité totémique, dont la présence ironique avant d’être organique (comme elle l’était au cinéma dans The Square d’Östlund et dans Nope de Peele) viendrait narguer un monde liquide, aseptisé, souvent coupé de la beauté primaire et insondable des relations, et lui promettre une tabula rasa sensorielle et sociale des plus bienfaitrices.

En effet, le singe (magnifiquement performé par Margot Alexandre) est ici une altérité constamment réactualisée, dont la « bienveillance infinie » vient comme recharger les rapports fragiles, brouillés, parfois machinaux, de ces duos qui finissent toujours, dans le temps performatif des courtes séquences, par s’aimanter de nouveau. C’est pourquoi Duet a aussi à voir avec l’écriture d’Arne Lygre, le dramaturge norvégien pensant le présent théâtral comme espace privilégié de reconfiguration et de revitalisation des relations humaines. Le spectacle n’est jamais aussi juste et troublant que lorsqu’il réussit à ouvrir des « trous noirs » au milieu de son propre théâtre (ses scènes burlesques et désespérées qui jouent savamment des genres), des zones de pur vivant où le duo gazouille et entre en rapport par-delà les mots. Peut-être que cette « puissance de la douceur » (comme l’écrivait Anne Dufourmantelle), qui semble être l’horizon politique du spectacle, aurait pu creuser plus souvent les bizarreries et les énigmes que Duet semble un peu trop froidement nous poser, nous apparaissant (lors de ses premières représentations en tout cas) comme un ovni conscient de sa malice et un peu replié sur lui-même, pas tout à fait adressé, guettant encore l’altérité spectatrice qui serait son ultime partenaire.

Pierre Lesquelen, 8 février 2023.




Distribution

Jeu, mise en scène, texte Margot Alexandre et Nans Laborde-Jourdàa

Collaboration artistique Leslie Bernard

Scénographie Lucie Gautrain

Création lumières César Godefroy

Création sonore et musique Samuel Favart Mikcha

Costumes Pauline Kieffer

Têtes Cécile Kretschmar

Régie générale / plateau et conception gants Maël Vogel de Laurens

Régie lumières Tatiana Carre

Travail zoomorphique Cyril Casmèze – Jade & Cyril Cie du Singe Debout

Remerciements Fanny de Chaillé, Isabelle Ellul, Amance Riquois-Tilmont, Frédéric Baron, Jean Hostache, Juan Kruz Diaz de Garaio Esnaola et Christophe Ives






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