Une chambre à poil
d’après Virginia Woolf, écriture
Roxanne Roux et Marie Cahu
mise en scène
Roxanne Roux

© DR
Vu à au Théâtre la Flèche le 24 avril 2025
“Rira bien qui rira le dernier“
Dans une délicate robe 1900, Roxanne Roux présente un one woman show au bord du gouffre : elle dérape, déraille - non j'déconne – et se rattrape en faisant un état des lieux de son éducation à l'humour. Aux origines, il y a le caca-prout-vomi tout ce qui est gras, gluant et puant pour railler tout ce qui sort du corps des mamans ; mais cette première initiation à la blague bête et méchante est accompagnée d'une mise en garde. La jeune Roxane se voit vite enseigner que le domaine du crade lui est déconseillé comme moyen d'expression, au risque de passer, non pour drôle, mais pour vulgaire et essentiellement vilaine.
Puis vient à l' adolescence, le passage obligé du salace bite-chatte-cul né à la source des questions coquines de diverses émissions et de la pop culture organisée sur la sexualisation des très jeunes filles.
Roxanne ado comprend alors que pour s'illustrer en tant que drôle il faudra faire entrer dans son propre corps la grande marrade masculine en mimant des fellations et la femelle en chaleur autant que possible puisqu'il n'y a rien de plus drôle que d'humilier, critiquer, discréditer, caricaturer, dévaloriser, moquer mais surtout réduire une femme à ses attributs sexuels. À cet exercice, Roxane donne tout mais rien n'y fait : être la dinde qui se farcit elle-même est épuisant. D'autant que le terrain est miné. Du salace misogyne au LOL organisé, il n'y a qu'un pas. Au cœur du rire se loge la haine : ligues du LoL et terrorismes incel et masculistes en tous genre barrent absolument l'accès des femmes aux conditions de possibilité du rire franc et joyeux. Roxanne devenue adulte comprend bien que son rire est non seulement menacé mais surveillé ; si elle se réapproprie le rire dans une perspective libératrice, rira bien qui rira le dernier... Elle sait ce que les hommes font aux femmes qui se rient de leur monde, ils les punissent de mort et répandent la menace sur internet. Alors, quoi ? On peut même plus rire c'est ça ? Il semblerait que mademoiselle souhaite casser l'ambiance ?
Effectivement, une fois exposée au risque de recevoir une balle ou autres sévices , il n'y a plus moyen de trouver ça très drôle. Même le magique « non j'déconne » qui maintient l'ordre établi du rire ne fait pas repartir la blague mortelle qui n'a que trop duré. À moins donc d'une chambre à soi, d'une somme d'argent et d'une protection physique rapprochée, il semblerait que les femmes sont et resteront menacées dans leur liberté de rire et de faire rire. Roxanne Roux n'explose plus de rire : elle implose. Elle a plombé l'ambiance, et après tout, pourquoi pas.
Anne-Laure Thumerel, 19 mai 2025.
D’après Virginia Woolf, écrit par Roxanne Roux et Marie Cahu
Mise en scène Roxanne Roux
Collaboration artistique Marie Cahu et Victor Roy
Création Lumière, Sonore & Vidéos Victor Roy
Dramaturgie Marie Cahu
Avec Roxanne Roux