Mauvaises chiennes


conception


Peau de lapin






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Vu au Nouveau Gare au Théâtre, dans le cadre du festival Actée, le 6 juin 2025


                                    



“La vengeance sororale contre l’hybris“


Le groupe Peau de Lapin adapte le roman Les Orageuses de Marcia BURNIER dans la tradition du théâtre militant, avec pour but de contribuer, à sa manière, au combats d'émancipation de son temps. La question posée : comment se reconstruire quand on n’est pas reconnue en tant que victime par la société ?

Dans une veine She She Pop, collectif féministe allemand des années 90, les membres du groupe Peau de Lapin décident de répondre par la performance théâtrale à une injustice réelle concrètement vécue par une de leur proche: le classement sans suite d'une plainte pour viol, l'indifférence coupable du personnel policier et la retraumatisation qui a suivi. La démonstration est claire et limpide. La démarche théâtrale s'inscrit dans le cadre de la défaillance du système policier et juridique à l'endroit des crimes sexistes et sexuels et le public est désigné dans sa responsabilité d'en prendre conscience.

Avec les moyens de l'auto-organisation (slogans, banderoles, menus accessoires), le groupe Peau de Lapin développe son propos de manière accompagnante et généreuse. On imagine un groupe de personnes sexisées victimes de viol qui s'organisent en gang pour exercer une pression violente sur les agresseurs impunis. En treize tableaux, on observe comment ce groupe tient le cap de sa justice autogérée et le débat éthique que chaque situation soulève. Que pourrait-être une vengeance juste pour un viol ? La casse matérielle et la nuisance symbolique est-elle une voie de réparation ? L'impunité réelle des violeurs peut-elle être régulée autrement que par la violence ? La violence retournée contre les violeurs permettrait elle de réduire leur sentiment d'impunité et dissuader d'autres hommes de violer ? Les hommes violent-ils parce qu'aucune violence ne leur est rendue  pour leurs actes? Le pacte du monopole de la violence légitime par l'Etat tient-il toujours si l'Etat protège les violeurs ? Que faire des hommes qu'on aime (frère, père, ami...) quand ils violent ?

Le sujet est déployé dans toute sa complexité, sans jamais prendre le postulat individualiste comme le postulat intuitif suffisant ; il n'y a aucune complaisance psychologique avec le « chacun·e vit la réparation comme iel peut ou veut ». Le spectacle raconte avec justesse, une énergie punk et un humour corrosif le phénomène du viol comme la pression destructrice structurelle qu'organisent les hommes sur les autres genres avec la complicité des institutions (économiques, culturelles et judiciaires notamment). Le message est clair : une révision du contrat social injuste qui nous lie selon des biais sexistes, classistes, racistes et validistes ne pourra se faire sans une réponse collective, intersectionnelle et potentiellement violente des personnes concernées. 





Anne-Laure Thumerel, 23 juin 2025.



mise en scène Margot Souriau

assistant à la mise en scène Romuald Vachet

avec  Margot Souriau, Armance Bryant, Nedjma Berchiche, Alice Valentin,

responsable technique et régisseur lumière Dimitri Moisseron

aide à la dramaturgie Orane Barroso Pinto Dias


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