Barbie sur le récif


texte et mise en scène


Nicolas Girard-Michelotti





© Mathilde Mery

Vu à Le Boulon - Vieux Condé, dans le cadre du Festival Cabaret de Curiosité (Phénix, Valenciennes), le 14 mars 2024

                                    


Barbie sur le récif, ou comment fétichiser les blondes conduit vite à des écueils.” 


Un voyageur part au Danemark dans l'espoir d'y trouver le grand amour. Le candide en conquête se transforme pathétiquement en radar à blondes.

En effet, celui-ci poursuit un idéal féminin qui n'est autre que la reproduction modélisée de son ex-petite amie, dont la description fait état d'une pureté fascisante (blonde blanche mince grande élancée yeux bleus teint frais) et ressemble à s'y tromper à la femme parfaite, à savoir Barbie. Le voyage est un échec : pris dans le mythe de la sirène ou de la femme fatale qui aurait capturé son âme, le jeune homme a  perdu toute agentivité ; il est mû par des désirs de contes de fée auxquels il associe ses pulsions sexuelles,  mais dont il ne perçoit pas les fondements réactionnaires et devient impuissant d'amour donc très déprimé. Il ne trouve aucun duplicata féminin suffisamment ressemblant à  l'originale (l'élue de son cœur à laquelle il est fatalement accroché comme une moule à son rocher) qui puisse provoquer en lui le sentiment amoureux. En revanche, il trouve Barbie, d'abord la poupée puis grandeur-nature sur le chemin qui le menait à dater une énième blonde dans l'espoir qu'elle soit la bonne. La poupée est prisonnière d'une industrie féroce de fabrication patriarcapitaliste de la beauté. La pulsion féérico-sexuelle s'empare alors à nouveau de lui et donne un nouveau cap  à son voyage : il faut sauver Barbie. Il entreprend d'aller la chercher jusque dans les enfers de la fabrication capitaliste sexiste et fasciste de la femme unique, au prisme de laquelle toutes les femmes et petites filles sont cruellement mesurées et évaluées. Deux narrateur·rices l'accompagnent, commentent ses faits-et-gestes, manquements et découragements au cours du voyage. Ces deux « surmoi »  hétéro-normés et gavés de préconçus romantiques mais néanmoins drôlatiques sont sans cesse sur lui  à réactiver sa quête puérile et fonctionnent pour lui comme des oeillères, le laissant subir son intériorité plutôt qu'agir sur elle.

Le problème dramaturgique est là. Le voyage initiatique s’essouffle dans la mesure où rien ne vient dévier le voyageur de sa quête initiale. Il veut Barbie, la trouve, ne peut pas la ramener avec lui, la regrette. Il n'apprend rien sinon ce qu'il savait déjà , à savoir que la structure de son désir est le reflet d'un conditionnement auquel personne n'échappe, et auquel, lui, comme n'importe qui, ne peut rien ou pas grand chose. Le ton est fataliste. Sa rêverie triste devient un apitoiement irritant qui confine à l'autocomplaisance: le jeune homme identifie sa pulsion érotique à l'endroit des femmes fictives idéalisées mais l'attribue à des facteurs qui sont  hors de lui donc hors d'atteinte et ne met  rien en place pour en changer. La mise en scène est efficace, parfois drôle, ponctuée de belles séquences de jeu (on pense au show de téléréalité sur le mode de La villa des cœurs brisés ou les confessions de la petite Barbara sadique avec sa poupée Barbie). Tout cela est soutenu par une équipe d'interprètes très justes et très au service et pour cela profondément attachant·e·s. Il est cependant des récifs dramaturgiques que la mise en scène ne parvient pas à éviter et qui obligent les acteur·rices et les spectateur·rices à sortir les rames pour terminer le voyage.



Anne-Laure Thumerel, 25 mars 2024

    


Distribution 

Texte, mise en scène Nicolas Girard-Michelotti

distribution Paul Flouret, Neil Adam Mohammedi, Heloïse Janjaud, Léna Dangréaux, John M.Warts

Costumes & scénographie Salomé Vandendriessche

Création lumière Thomas Cany 

Création musicale John M.Wart
















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