DOMINIQUE TOUT SEULE


écriture et mise en scène


MARIE BURKI





©  Alice Piemme

Vu au Théâtre des Doms dans le cadre du Festival OFF d’Avignon - 6 juillet 2023

                                    

“Une transparence devenue mystère“



Les vrais spectacles tout public se font rares. Proposer une fable théâtrale densifiable à tous les âges de la vie relève toujours du prodige. C’est pourquoi le choix du symbole fait par Marie Burki - qui vient d’ailleurs de gagner en Belgique le prix Maeterlinck - opère magnifiquement.

La fuite féminine vers le vivant, vers une enforestation manquant à nos vies citadines, pauvres en vibratilité, devient un motif dramaturgique de notre temps. Dominique toute seule résonnera alors avec des gestes contemporains comme J’attends la foudre de Samaële Steiner ou encore avec Je suis la bête de Julie Delille. Le spectacle de Burki, drame à stations façon L’Oiseau bleu, dont la brièveté est l’antithèse des rêves infinis auxquels il nous invite, se distingue de ces nouvelles fables d’émancipation en taisant toute intention politique. Et même en détrompant celle-ci par une apparente récréativité de chaque instant. Relié constamment à la simplicité d’un argument - Dominique, femme socialement transparente décide de suivre des sentiers moins tracés - ce conte unitaire, qui redouble souvent ses images artisanales (un sentier forestier en ombre chinoise...) magnifie des signes scéniques pourtant désœuvrés (une lune en guirlande multicolore, un chapeau rocailleux de papier mâché...). Le projet intérieur “résolu“ de Dominique n’est judicieusement jamais déterminé : le rocher magique qu’elle croise est sans moralité, et la révérence de la cueilleuse du fond des bois laisse très vite “place au silence”.

La suggestivité et la beauté de fortune générées par Dominique tout seule sont autant dûes à son laconisme dramaturgique qu’à la qualité de présent des deux interprètes - état d’esprit performatif bien atypique dans les spectacles jeune public où la transmission rassurante et le jalonnage des images sont souvent préférés. La capacité du duo à agencer sous nos yeux les situations ne fait pas que désamorcer leur kitsch obligé (pleines lunes brumeuses, fuites non moins éclatantes chantées par Céline Dion...) mais régénère au contraire leur puissance primitive d’émerveillement. Toute vraie fantaisie, d’abord synonyme d’imaginaire capricieux et non d’images tyranniquement enchanteresses, suppose des signes investis par une nécessité et une âme qui innerve la représentation. Elle suppose aussi qu’un univers complètement personnel puisse se partager et être modifié par d’autres songeur.se.s après lui. C’est complètement le cas ici, car le drame profond caché sous les pas d’innocence de Dominique n’est au fond qu’un seuil au-delà duquel peut s’aventurre notre buissonnage intérieur, le personnage comme le spectacle ayant la rare apparence, comme l’écrivait Tarjei Vesaas, d’un “silence qui tend la main”.



Pierre Lesquelen, 14 juillet 2023.
    

Distribution 

Ecriture, mise en scène Marie Burki

Interprétation Garance Durand-Caminos et Tom Geels

Création lumière Inès Isimbi

Régie générale Khalid Rabah

Création sonore Gilles Péquignot et Tom Geels

Chorégraphies Garance Durand-Caminos

Costumes Carla Pivetta et création collective

Création plastique Zaëll de Coster

Regard complice  Jean Debefve





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