Wireless people

écriture et conception


Maïa Blondeau et Greta Fjellman





© Alice Piemme


Vu au Théâtre des Doms dans le cadre du Festival OFF d’Avignon, le 3 juillet 2024

                                    



“Scroll théâtral“


L’exception attentionnelle du·de la spectateur·rice de théâtre est-elle encore de ce monde ?

Wireless people est un spectacle qui nous ordonne de le filmer, de couper ses ailes respectueuses à notre mode avion, de préférer la distraction offerte par les fenêtres infinies du téléphone portable à la concentration contrainte par les signes économes du théâtre – d’être en somme le·a spectateur·rice le·a plus multitask qui soit. Maïa Blondeau et Greta Fjellman (@gretafjl) rêvent en effet d’une scène à scroller. Leur dramaturgie toute en parataxes – accolement d’images, de masques influenceurs, de modes d’incarnation allant du stand up au reenactment de stories etc. – transpose par un régime rhapsodique l’expérience à la fois trop pleine et vaine du réseau social. La boîte blanche, déjà bâtiepar Marion Siéfert en 2020 dans le protocole instagrammeur de « jeannedark », est à nouveau une chasseuse de fantômes. Car l’ombre épaisse de la scène, et toutes les visions intérieures que le théâtre peut sécréter par sa pénombre, semblent comme évincées et nettoyées par cet espace-écran, entaché par quelques paillettes holographiques. Les images volontairement inconsistantes qui défilent dans le non-lieu de Wireless people renvoient coûte que coûte à elles-mêmes ; le regard serait bien idiot de vouloir les travailler et d’y chercher du symbole : elles ont la lumière et l’éphémère pour seul régime.

Blondeau et Fjellman promettent une expérience inouïe, où le réseau social phagocyterait le théâtral, où les spectateur·rice·s seraient elles·eux aussi flasquisé·e·s par la scène. On sent poindre cette révolution par endroits, notamment lorsque Gaïa rentabilise la commune présence permise par le théâtre en s’adressant à l’assistance comme à une armée de followeur·se·s potentiel·le·s, dont elle déplore ce soir là le petit nombre. C’est donc surtout par un humour socio-critique et par des blagues sans conséquence durable sur la représentation que Wireless people convie dans la petite chambre théâtrale le space sans borne du virtuel. Mais d’un point de vue esthétique, les deux médiums ne s’hybrident pas vraiment. Le réseau social est plus évoqué et thématisé qu’il ne chahute la white space. Et la dramaturgie oscille trop lisiblement entre actes et discours, entre conférence sur le réseau social et expérience avec le réseau social pour que ce théâtre du scroll abîme et confronte à ses abîmes notre attention malade. Notre cerveau n’est d’ailleurs pas tellement contaminé par l’expérience mais plutôt flatté, pas tellement meurtri mais plutôt diverti par ce geste effréné qui rebrasse sans vraiment la combattre une certaine satire du réseau social. Là où Marion Siéfert se risquait dans Deux ou trois choses que je sais de vous à faire surgir de la beauté, de la densité et une réelle communauté dans les décombres du virtuel – à dépasser plus qu’à décrire – Wireless people conforte un empire de la vacuité à la Rüben Ostlünd. Il est dommage qu’un théâtre in fine moraliste moraliste émerge d’une telle expérimentation fougueuse, dont il faut vraiment saluer le pari.




Pierre Lesquelen, 6 juillet 2024.
    


Distribution 

Conception & écritures Greta Fjellman & Maïa Blondeau

Jeu Greta Fjellman

Création sonore Maïa Blondeau

Création lumière & espace : diane blondeau & diane audema

Assistanat création lumière : inès degives

Regard chorégraphique : pauline brun

Coaching scénique : gémi diallo

Costume : solène valentin, maïa blondeau et greta fjellman

Assistanat costume : emma lobina

Régie lumière : inès degives

Surtitrage : greta fjellman & maïa blondeau

Typographie  Typothèque bye bye binary









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