L’APOCALYPSE ÉPISODE 4 :  PROMESSES

conception

LOUIS BONARD







© DR

Vu à l’Arsenic de Lausanne (Suisse) le 28 avril 2023


                                    

“Happy beginning“



Si l’on en croit la bible, c’est le cas de le dire, et le prologue de Louis Bonard, metteur en scène et protagoniste d’une série autour de L’Apocalypse de Jean en quatre épisodes, le dernier livre du Nouveau Testament prophétise un happy ending, qu’il a en plus le luxe de réaliser.

C’est vrai qu’entre l’annonce des catastrophes à venir - s’abattant dans un déchaînement de violence si choquant qu’il reste sujet à moult querelles exégétiques -, un projet utopique se dessine dans le texte - celui d’une nouvelle société où, comme dans tout bon récit post-apo, tout est à réinventer. C’est aussi le projet du quatrième et dernier épisode, Promesses (le seul qu’on ait vu de la série), du moins sur le papier : d’ailleurs, c’est le seul dans lequel Louis Bonard invite d’autres interprètes à partager l’expérience du plateau, qu’il avait avant arpenté en solo. Dans une scénographie assez déroutante de beauté, sorte d’espace rythmique serpentant au lointain, hanté par des lumières saturées en perpétuel mouvement, celui-ci s’aventure en effet parmi une communauté de fantômes, voilés de blanc de la tête au pied : une longue litanie chantée, contemplative à souhait, débute alors.

Le paratexte nous aura peut-être troublé, car ensemble, ils forment un choeur d’apocalypse qui ne se préoccupe pas vraiment du futur : en effet les chants, « convertis » en dialogue sur un tulle séparant la scène et la salle, servent à invoquer des esprits humains. Ceux qu’on voit au plateau, qu’ils soient de mélancoliques et célestes survivants ou bien des condamnés de la dernière heure, sont les ultimes représentants de leur espèce ; voilà qu’ils réveillent, au tournant du monde, le souvenir de leurs ancêtres, parfois les plus lointains… Ils déroulent alors, en un récit poétique et lacrymal, les heureux débuts de la race humaine, jusqu’à son extinction imminente. De Promesses il n’y a point : probablement fallait-il entendre dans le prologue face public que l’apocalypse est une occasion que cette invocation un tantinet passéiste laisse au lecteur, ou en l’occurrence au spectateur, de sublimer en force utopique.

Cela dit l’aspect déceptif concerne L’Apocalypse de Jean elle-même, qui semble, dans cet épisode, un point de repère voire un paradigme, à juste titre, du récit eschatologique pour le metteur en scène. Preuve que le spectacle n’en est pas l’adaptation, le fameux prologue oblitère, entre autres, la parabole politique dont le happy ending est a priori le nom : c’est sur  l’Empire Romain que s’abat toute la souffrance, et les bons chrétiens, eux, lui survivront. Même si elle peut être perçue comme un message à la fois d’intimidation (aux hérétiques) et d’espoir (aux fidèles), en l’occurrence la possibilité d’un monde meilleur concerne tout de même une poignée d’élus « ravis » au ciel avant la catastrophe : pas sûr qu’il matche avec le propos démocratique et optimiste du metteur en scène, qui délivre un discours plus générique sur l’intérêt de l’eschatologie. En l’état, cet épisode de L’Apocalypse est plutôt une variation autour du genre, qui loue l’happy beginning de l’homme dans une sorte de prosopopée mystico-burlesque. D’où un ressenti assez étrange : le texte initial contredit presque le prologue, qui lui-même contredit l’histoire au plateau. Déceptif ou décevant, c’est selon : le spectacle a, c’est sûr, l’avantage de ne pas faire dans l’illustration.




Victor Inisan, 22 mai 2023.




Distribution 

Concept et jeu Louis Bonard

Avec An Chen, Julia Deit-Ferrand, Yvonne Harder, Dominique Tille

Dramaturgie Adina Secretan

Collaboration artistique Claire Dessimoz

Lumière et scénographie Florian Leduc

Musique originale Nicholas Stücklin

Costumes Doria Gomez Rosay

Régisseur, assistant lumière et scénographie Redwan Reys

Régie générale Marine Brosse

Assistanat costumes Josiane Martinho

Chargé de diffusion Tristan Barani


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