HOWL 2122


écriture, mise en scène et interprétation


LAURE CATHERIN





©  Nico M Photographe

Vu à la Manufacture dans le cadre du Festival OFF d’Avignon - 8 juillet 2023

                                    

“Une bohème un peu moisie“



Rarement représenté, hormis à des fins satiristes par David Lodge, Philip Roth ou encore Laurent Binet, le petit monde universitaire est enfin regardé politiquement par Laure Catherin depuis ses plus fiévreux.ses acteur.rice.s.

Depuis cette génération d’étudiant.e.s qu’on dit sacrifié.e.s, adjectif tragique bien choisi mais pouvant faire écran à la réalité d’une crise estudiantine que Howl 2122 s’attache à disséquer. Laure Catherin ancre alors son slam dans une mythologie du campus universitaire - en l’occurrence celui de Rennes 2 - et des visions glissantes qui se sont portées sur lui, de la glorification de ces lieux de pensée libre au mépris de leur “bohème un peu moisie“. La parole scénique possède alors la consistance d’un poème qui “persiste“. Sans chichis métaphoriques ni discursivité persuasive, le texte a pour qualité initiale de fournir “au public les signes de la de la poésie, non la poésie elle-même”, preuve pour Roland Barthes d’un mythe en train d’éclore. Ses vers dédiés aux bureaux associatifs, aux mauvais burgers et aux autocollants stratifiés éveillent en nous bien d’autres souvenirs estudiantins, sans jamais conforter un “imaginaire collectif“ stable et édifiant. L’incohérence, la grouillance, la cohabitation insolvable des énergies et des gestus percent la parole : le texte de  Catherin se laisse déborder par le sublime sociologique de l’université post-68 et parvient à  approcher pour la première fois son “style de tous les styles“, son absence salutaire de “codes“.

Cette politique de la parole s’émousse toutefois dans la suite du spectacle, où le poème mythologique laisse place à un récit plus brûlant et conséquemment plus présensiste des années Covid. La linéarité de cette seconde partie - symboliquement non titrée, comme si le réel qu’elle approchait n’était pas encore digérable - est un choix dramaturgique efficace. Car cette chronologie assurée contraste avec la répétitivité chaotique voire tragique des désespoirs (ouvertures, fermetures des universités, réduction des effectifs empêchant la moindre politisation) ayant jonché cette période. Mais l’abandon de l’écriture verticale au profit d’une prose toujours un peu cadencée ne produit pas réellement de mutation acoustique et donne à la parole des enjeux plus narratifs et informatifs, qui la rendent moins théâtrale. La mythologie retrouvée dans la troisième partie, non sans volontarisme et naïveté anaphorique (“sacré mes vêtements, mon agenda, les chats / sacré les moments de solitude avec un podcast / sacré la musique…“) montre bien que Laure Catherin conscientise ce frottement des temporalités et des degrés de poéticité. Les hauteurs de vues inégales de Howl 2122 sont peut-être le signe voulu d’une crise récente impossible à transcender complètement, les symptômes poétiques d’un impensable que l’on ne peut qu’“essayer de décrire“. Sauf que la profération et la musique restent trop d’un bloc pour se laisser elles-même déborder par le tâtonnement de cette mythologisation à l’ouvrage, et que la parole finit par lasser au lieu d’affuter sa force d’appel. Le spectacle, que l’on espère voir jouer dans des campus extra-rennais pour qu’il affute sa force d’action, n’en reste pas moins nécessaire et, autant qu’on sâche, encore inédit.



Pierre Lesquelen, 14 juillet 2023.
    

Distribution 

Conception, écriture et interpreétation Laure Catherin

Collaboration artistique à la mise en scène Delphine Battour 

Composition et interprétation musicale Raphaël Mars  

Régie Générale, son et vidéo Louise Prieur




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