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La nuit de la lèche






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Vu au Café de Paris le 12 septembre 2025


                                    



“Le reste je te le lèche“




Première d’un cabaret queer radical mensuel, qui s’ancrera cette saison au café de Paris (rue Oberkampf), cette Nuit de la lèche de septembre détrompe le doute qu’elle pouvait susciter. Serait-elle autre chose qu’un exercice de bad style d’élèves sortant·e·s d’école supérieure de théâtre (celle du TNB) et en mal d’outrances ? Assurément oui.

Nulle créature n’y fait petite figure. Toutes ont trouvé une particularité vestimentaire et un numéro qui distinguent autant qu’ils relient ce groupe d’ami·e·s hanté·e·s par les rêves outrageux de Genet, par les serpents consolateurs d’Emile Ajar ; et par la mélancolie des belles heures sombres de la capitale, où le cabaret n’avait rien d’un divertissement massif mais tout d’une expérience festive et politique des limites. La présence théâtrale et l’exigence dramaturgique de ces fabuleux·se·s acteur·rice·s-performeur·se·s se mêle alors constamment au souffre littéral des attractions cabaretesques, toujours pleines de vraie-fausse ironie – une veuve qui se dévergonde par le pole dance, une femme jardin qui veut réensauvager les âmes… Rien de citationnel et d’emprunté : le bagage théâtral vient ici densifier les numéros, et jamais les intellectualiser.

La Nuit de la lèche incarne surtout, dans sa structure brute et graduelle, ce que serait fondamentalement un cabaret queer, qui n’est pas seulement défini par l’inassignable des corps qui performent sur la petite estrade leur irréductible liberté, mais plus largement par la composition d’un spectacle brut, intranquille et instable, où les contraires qui défilent ne s’annulent jamais. C’est pourquoi la figure de Zizi Brin d’Acier, qu’on croit au départ être l’archétype du·de la meneur·se, se révèle en fait être une créature égalitaire, qui ne capitalise pas toute la force blagueuse du spectacle, qui reste dans l’ombre et qui n’annule par aucun discours la symbolique singulière des numéros. Et c’est pourquoi, lorsque la troupe essaye de coudre entre elles certaines outrances par des transitions, lorsqu’on la sent désireuse de dramatiser le spectacle, cette pluralité frénétique s’en trouve un peu affectée. Mais ce n’est là qu’une petite bavure : qu’on retienne surtout de cette critique sa salive et son allèchement à l’idée des prochaines nuits encanailleuses qui s’annoncent.



Pierre Lesquelen, 22 septembre 2025. 



Avec Esther Lefranc, Zizi Brin d’Acier, La Fonce-dé de la pédale Os, Julie Bordel, Hadriaan, Hortense Girard, Félicien Fonsino, Le Grand Chaperon rouge, Léo Lush...


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