CÉLINE


conception et mise en scène


JULIETTE NAVIS







© Philippe Couture

Vu à l’Étoile du Nord (Paris) le 10 février 2023


                                    

“Autant en emporte Céline“




À la croisée du stand-up et du conte de fée, une Céline-Dion-qui-n’en-est-pas-une raconte la vie d’une autre Céline-Dion-qui-n’en-est-pas-vraiment-une. Quand Céline raconte Céline, c’est pour dire la mort, dans un flot continu de paroles qui masquent le bruit des mouches bleues et des asticots qui fricotent en dessous du clinquant des spotlights.

Coup de projecteur sur Laure Mathis, qui porte seule au plateau ce récit de vie volontiers échevelé. On ne sait pas encore qu’elle a la mort aux trousses, Céline, celle qui arrive en poussant sa remorque, parée de son justaucorps bleu électrique à paillettes et de ses extensions blondes. On se dit que c’est crissement bien, cette adresse au public agitée par une frénésie d’élocution que rien ne semble pouvoir interrompre. L’actrice sème le trouble sur sa spontanéité, s’emmêle tant et si bien les pinceaux dans l’histoire qu’elle est en train de dépeindre - celle de sa rencontre avec une autre Céline, vieille et mourante, qui elle-même a son histoire à conter- qu’il faut un certain temps avant de se rendre compte du savant brouillage dramaturgique déployé par Juliette Navis. Celine raconte donc une Céline qui n’est peut-être que la projection futuriste de son double, ou alors c’est tout l’inverse : passons, mais en faisant remarquer que c’est précisément l’opacité de ce dispositif narratif qui en fait toute la beauté, soutenu par une écriture finement ciselée qui jette des ponts vers le merveilleux et sa part d’ombre.

Il était une fois une jeune fille, dernière d’une fratrie de quatorze enfants, pas assez jolie pour être aimée de ses camarades de classe, nommée Céline. S’aventurant dans la forêt québécoise, elle y découvre son refuge, sa grotte, se met à chanter pour les animaux. Pas larmoyante pour un sou, Céline laisse toute la place pour que Laure Mathis déploie sa vivacité d’actrice, et adopte juste assez de distance avec son personnage pour faire apprécier les pirouettes audacieuses de la fable. Blanche Neige des temps modernes, la jeune Céline s’improvise bientôt experte légiste, livre savoureusement les détails du processus de décomposition du corps de son ami, l’oiseau Coco. Rest in peace Coco, et fissa, car plus le temps de penser à cette belle charogne baudelairienne, c’est maintenant l’heure du show: la carrière de Céline décolle, elle remplit des stades, plus des grottes.

Au triple galop, la comédienne, perchée sur ses talons à plumes, continue de dérouler le fil de cette vie, livre une performance qui tient du grand spectacle, sans qu’elle ait besoin de pousser la chansonnette. Céline s’écarte joyeusement de l’image de mère poule et autres stéréotypes que l’on colle à la féminité. Pas de larmes et pas de temps pour celle qui s’élance à corps perdu dans la danse folle de la célébrité et des tournées qui s’enchaînent. Jusqu’à ce que la comédienne se fige et retienne la salle dans le creux de son souffle. Alors le silence peut se déployer sur les parois fragiles et plastifiées de la grotte, et les échos de ce moment de vie déjà passé rebondir, rebondir, rebondir…



Emma Delon, 30 mars 2023.




Distribution

Mise en scène Juliette Navis

Interprétation Laure Mathis

Dramaturge Nils Haarmann

Aide à l’écriture Philippe Couture et Douglas Grauwels

Créateur son Antoine Richard

Créateur lumière Fabrice Ollivier

Scénographe Arnaud Troalic

Chorégraphe Romain Guion

Création costume Pauline Kieffer

Création maquillage/coiffure Maurine Baldassari

Administration /Production Kelly Angevine





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