L’ODEUR DE LA GUERRE


écriture et jeu


JULIE DUVAL






© Thomas O’Brien

Vu à la Scala (Paris) - 10 janvier 2024

                                    



“Je prends, j’accueille, je transforme“



« Une "première" de théâtre est comme une naissance. Et quand le rideau tombe, sur la dernière réplique du comédien, c'est comme un enterrement, entre le parfum des fleurs et le putride des serrements de mains, des embrassades, des larmes. »

Cet extrait de la Lettre ouverte de Goliarda Sapienza - semblable départ d’une jeune femme vers la capitale (italienne en l’occurrence), semblable émancipation grâce à l’acte théâtral - dit quelque chose de cette résuscitation transformatrice que permet le théâtre dès lors qu’il est employé viscéralement. L’Odeur de la guerre pourrait facilement manquer cet idéal. De fait, il est un solo autobiographique comme on en fait beaucoup dans le paysage théâtral actuel, a fortiori au Festival OFF d’Avignon où Julie Duval a émergé cet été. Comme dans la plupart des jeunes autofictions théâtrales (La Mâtrue - Adieu à la ferme de Coline Bardin, Parler pointu de Benjamin Tholozan…), il s’agit d’énumérer à vitesse effrénée les souvenirs marquants, d’imiter les voix pittoresques et hantantes de l’adolescence, de voler à la mémoire capricieuse quelques étapes exemplaires pour flécher son affranchissement. Et souvent, cette forme aussi sincère que feel good produit un acte trop efficace, trop virtuose, trop logique pour faire affleurer l’authenticité, la fragilité, la brûlure irrefermée que nous attendons de voir dans pareille livraison de soi sur un plateau.

Aucun de ces écueils ici. Si l’acte est constamment situé, relié à l’âme, au corps, et au monde qu’il combat, c’est que Julie Duval est plus qu’une interprète caméléonesque : elle préserve quelque chose de performatif malgré le jeu de masque qu’elle s’impose. Elle ne cite rien, ne reproduit pas : elle retraverse, rend chaque chose présente à soi et adressée. Cela se joue notamment dans les micro respirations qui suspendent les vignettes : une nécessité à faire réapparaître, à chercher une justesse qui ne supporte pas l’automatisme, nous parviennent alors. Rien n’est machinal dans L’Odeur de la guerre, ne devient spectacle : malgré une forme à laquelle on pourrait reprocher de soupliner les violences, un acte nécessaire se hisse. Et en dépit de l’imitation ironique qu’elle fait de lui, Julie Duval semble avoir tiré des enseignements fructueux d’un professeur de théâtre, gourou des silences pour qui jouer c’est prendre, accueillir, transformer.  Voilà pourquoi nous pourrions, coup de poing sans heurt à cet éloge, reprocher l’artifice musical qui transforme la fin du spectacle en image plus qu’en définitive apparition de l’interprète. 



Pierre Lesquelen, 1er février 2024
    

Distribution 

De et avec Julie Duval 

Mise en scène Juliette Bayi et Élodie Menant

Collaboration dramaturgie Juliette Bayi et Élodie Menant

Création Lumières Thomas Cottereau

Compositeurs Rodolphe Dubreuil et Rob Adans

Chorégraphie Julie Cash











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