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Hchouma blues


texte et mise en scène


Hicham Boutahar






© Blokhaus 808


Vu au Théâtre 13, dans le cadre du prix Théâtre 13, le 11 juin 2025


                                    



“Ceux qui ne respirent plus continueront de chanter“




Hicham Boutahar propose un arc narratif clair qui tend brillamment ses flèches pour épingler toutes les stratégies euphémisantes et coupables à propos des crimes racistes de l'Etat français qui par la main de sa police emploie de manière discriminante sa « violence légitime » à l'encontre des personnes racisées. Le public est invité à écouter le blues de Moha, qui exprime ses galères, amours, tristesses et envies en faisant résonner les notes lointaines des noirs américains qui chantaient leur oppression et la ségrégation raciale aux Etats-Unis.

Moha fait sa rentrée en première année d'histoire et de sciences politiques dans une université parisienne. Il doit réussir brillamment son année et à faire bonne figure parce que sa mère fait de nombreux sacrifices pour lui permettre cette année d'étude. Pour cela, il doit trouver des stratégies d'adaptation pour appartenir à des espaces sociaux séparés qui s'ignorent : le quartier de banlieue prolétaire et l'université. La journée, il change de veste et de langage. À l'université, il rencontre  Anne, la jeune professeure de philosophie politique qui retrace les origines du contrat social, et Feryel la militante antifasciste, qui fait vivre la mobilisation politique au cœur de l’université. Le soir, il rentre au quartier et retrouve Stef, son ami, qui vient d'intégrer les rangs de la police. Dans le même temps, dans une banlieue voisine de la sienne, un adolescent, Aydan, est assassiné par des policiers. La rue se soulève. À l'université, ça s'organise. Moha est pris dans ce nœud dramatique et invité à rejoindre le soulèvement, à ses risques et périls.

Pendant trois jours - trois actes de nombreuses péripéties attendent Moha qui découvre sa voix politique et critique en même temps que son talent d'orateur. Hicham Boutahar assume un classicisme formel presque sans faille pour y faire résonner « ses blues notes » : il glisse la musique intérieure de Moha dans la forme de composition la plus stricte comme un cheval de Troie pour faire trembler l'ordonnancement des modes d'expression de la pensée dominante dont on finit par entendre la petite musique qui sonne faux. Moha a trois notes dans la voix qui forment des écarts de tonalités et des accords complexes qui font résonner sa condition au pays de l'en-même temps, La France dissonante; en même temps, des droits de l'homme et en même temps, de la ségrégation raciale et sociale. Alexandre Prince, l'interprète de Moha, rend magnifiquement cette langue construite d'emprunts qui tient ensemble le chagrin lié à l’oppression et la note lumineuse qui formule l'espoir de la justice radicale et sociale dont les luttes antiracistes sont le portevoix. Ce qui fait la force politique remarquable de ce spectacle, c'est l'incandescente et irréfutable clarté du discours auquel est parvenu Hicham Boutahar contre la langue de bois des « violences policières » et des palabres confusionnistes qui veulent toujours contourner la réalité structurelle du racisme en France. Cette langue du mépris est destituée et réduite à ce qu'elle est : du vent.




Anne-Laure Thumerel, 22 septembre 2025. 



Texte et mise en scène Hicham Boutahar

Avec Jules Bisson, Élise Martin, Alexandre Prince, Alice Rahimi

Assistanat à la mise en scène Lola Maume

Création lumières Bérénice Durand-Jamis, Alessandra Assous-Aldana

Scénographie Yéshé Henneguelle

Musique Thibaut Langenais et Antonio Vivaldi

Regard costumes Alma Bousquet

Accompagnement dramaturgique Youness Anzane


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