Roi du silence


conception


Geoffrey Rouge-Carrassat






© Victor Tonelli


Vu au Portique (Strasbourg) dans le cadre du Festival Demostratif le 3 juin 2025


                                    



“Le temps où il n'y aura plus aucune raison de prendre la parole “


Geoffrey Rouge-Carrassat ouvrait avec Le roi du silence le festival Démostratif, avec pour cette huitième édition le fil rouge des psychoses familiales, sur lequel les artistes invité.es avaient donné un entretien croisé dans la précédente livraison des détectives.

Le roi du silence, c'est ce jeu que l'on joue enfant, où l'on cherche à dérober à l'insu d'un roi aux yeux bandés une chose, un butin, un trésor placé à ses pieds. Le roi, c'est celui qui, dans un silence complet, parvient à s'emparer de la chose, sans se trahir, car alors il prend lui-même la place du roi.

La chose dont il s'agit dans la version du jeu proposée ici, c'est celle qui donne accès à la jouissance, à la fois charnelle et mystique, d'une homosexualité cachée aux yeux de la mère. Nous sommes au lendemain de son enterrement. Au bout d'une massive table de chêne, une couronne et une urne funéraire contenant ses cendres. Geoffrey Rouge-Carrassat, à la fois interprète, auteur et metteur en scène du spectacle, virevolte autour de cette table, trouve refuge sous son plateau, gagne un trône à l'autre bout en face de la mère. Le travail du deuil se fait par la parole, dans l'aveu désormais dérisoire d'une sexualité cachée. Mais l'aveu permet encore de faire exister l'aimée disparue, de la convoquer, même par ses réactions de rejet et haine que l'on a conjurées jusque là.

On dit que le deuil consiste à assimiler l'être l'absent, en commençant par reconnaître sa perte irrémédiable, pour continuer à la faire exister en nous. C'est ici par l'étoffe subsistant au coeur des cendres du corps que la mère va être ré-incarnée par l'acteur. Le théâtre de Geoffrey Rouge-Carrassat joint une poétique du texte à un travail de symbolisation physique, où le corps-signe convoquent la présence de la mère, de l'amant, mais aussi celle de sa propre enfance, dont la fanfare d'antan raniment les traces mnésiques. Le jeune homme endeuillé conclut en rêvant d'un temps où il n'y aura plus aucune raison de prendre la parole, soit une parole qui n'est pas toute de communication, d'argumentation, de justification ou de mystification. Un temps donc, où l'image verbale, l'émotion et la motion physique marchent de concert : cela peut être le temps d'un spectacle.





William Fujiwara, 23 juin 2025.



texte, mise en scène et interprétation Geoffrey Rouge-Carrassat

création lumière Emma Schler

régie générale Davy Dedienne


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