Requin velours


texte

Gaëlle Axelbrun






© Roméo Boetzlé


Le texte est paru aux Éditions Théâtrales en septembre 2024. Il sera créé par Gaëlle Axelbrun elle-même le 8 octobre au TAPS de Strasbourg, puis présenté à partir du 6 février 2025 à Théâtre Ouvert.

                                    



“L’histoire d’une fille qui se transforme en requin ?“



L’écriture de Gaëlle Axelbrun a quelque chose d’une langue bâtarde dans son brassage de frontalité et de poéticité, de prosaïsme radical et d’onirisme insidieux. Une esthétique qui concerne bon nombre de jeunes auteur.rice.s – comme Laurène Marx – et que les Éditions Théâtrales s’emploient judicieusement à révéler.

La myriade de scènes disjointes qui composent Requin velours, établies sur des plans situationnels très hétérogènes (les origines enfantines, les démarches procédurales, les fantasmes vengeurs…), épouse dramaturgiquement l’histoire impossible à écrire de Roxane, jeune femme victime de viol trouvant un appui sororal en Joy et Kenza. Ces deux Loubardes aux rengaines un peu naze, habituées aux troquets musicaux bordant les campings, sont en effet les premières à lui proposer d’extérioriser son agression par la narration. Ce dont il est alors principalement question dans Requin velours, ce sont des conséquences psychiques et organiques, éminemment mêlées et chaotiques, que déclenchent un viol – celles que suggère déjà le titre de la pièce par son allégorie masculine très oxymorique. Ce chaos réflexif du sujet est particulièrement bien sismographié par l’écriture discursive et sensorielle de Gaëlle Axelbrun, qui semble autant affirmer et regorger d’aphorismes épiphaniques que procéder par purs tâtonnements, par incessantes retouches et soubresauts obscurs.

C’est donc cette tentative abîmée de narration – amorcée par une scène de plage familiale indécidablement traumatique – qui constitue le principal poumon du texte. Mais la recherche embryonnaire de reconstruction et de dépassement, nourrie entre Roxane et ses amies, vient comme soulever cette négativité dramaturgique. Requin velours amorce en effet la question encore peu pensée – en tout cas dans l’écriture théâtrale – de la “violence juste“ (et de la vengeance potentielle) qu’il faut mobiliser pour répondre au criminel. Le texte, par sa narration irrefermée et cyclique, poursuit indiscutablement la mouvance anti-cathartique d’œuvres récentes, aussi bien théâtrales que littéraires (celles de Carolina Bianchi, Neige Sinno…), concernées par les violences sexuelles. Mais Gaëlle Axelbrun se distingue en ceci qu’elle cherche toujours à élargir le drame, autant par des extensions biographiques – évoquant par exemple l’enfance silencieuse et coulée de Roxane – que par des contrepoints poétiques qui ne provoquent aucune mythologisation abusive. Car la qualité première de la langue bâtarde, très queer dans sa réticence aux grand discours et aux registres arrêtés, est bien de produire des images, des représentations peu sacralisées et des significations instables, en tensions et mutations constantes. La création du texte par l’autrice au TAPS à Srtrasbourg en octobre puis à Théâtre Ouvert en février prochain révèlera toute la théâtralité de cette écriture épique et dramatique dont le potentiel performatif palpite dès la lecture.



Pierre Lesquelen, 24 septembre 2024
    












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