DIE HAUT, Plus que nu

conception

COLLECTIF TOTER WINKEL






© DR

Vu au Festival Demostratif (Strasbourg) - 9 juin 2023


                                    

“Dans le cours d’une mutation“




La sixième édition du festival Démostratif à l’Université de Strasbourg avait pour thème Étranges mutations. Et de quoi dit-on qu’il y a mutation, si ce n’est d’un corps ? Le spectacle DieHaut, plus que nu, porté par le collectif Toter Winkel, fait jouer dans tous les sens cette notion, ou plutôt il met en scène le docte et un brin charlatan professeur Bartolomeo en prise avec cethème.

Ses conférences portent sur quelques noms illustres de l’histoire de l’anatomie, mais défendent surtout cette thèse difficile à recevoir : il n’y a pas de corps. Le spectacle ne s’engage pas cependant surune remise en cause du matérialisme de notre époque. Le pli est farcesque, dans une oscillation entre les tours d’acteur de Félix Blin-Bellomi - secondée par sa très discrète, car entièrement masquée, mais non moins efficace assistante Adèle Couëtil - et un didactisme de la conférence, dont l’efficacité s’entrouve troublée justement par ce mélange des genres. Il n’y pas de corps peut-être, mais il y a un spectacle. Quel est-il ? Ni tout à fait conférence théâtralisée, ni art narratif de la jongle, ni succession de numéros de cabaret, Die Haut, plus que nu se trouve pris à l’évidence dans le cours d’une mutation. Pour enquêter sur un corps, on pourrait avoir l’idée d’aller regarder ce qu’il en est vraiment, sous la peau, sous cette couche opaque faisant écran à la connaissance.

Exploration difficile pour nos âmes délicates, à laquelle M. Bartolomeo nous prépare par l’exposition de cette galerie historique des dissections. Il y a depuis le début un pantin, une marionnette neutre, qui va et vient au cours dessavantes digressions du professeur. Quelle surprise, et quel souffle d’horreur et d’effroi dans la salle lorsque le professeur et son assistante découvrent le revêtement de la marionnette pour nous exposer la trame des nerfs, tendons et muscles de sa chair. L’accoutumance aux illustrations du professeur – et beaucoup plus notre propre accoutumance à la chair via le film - ne nous ont pas empêché de tressaillir à cette écorchure vive, opérée de façon très symbolique sur le tissu insensible du pantin. Il n’y a pas lieu de procéder à une de ces performances où la chair vivante se meurtrit pour nous envoyer dans le réeldu corps. La figure de la marionnette est encore efficace. Il faut à cette fin la manier avec art pour nousdisposer à sa magie.

À la façon du professeur et de son assistante qui très doucement, imperceptiblement, déplacent ses membres, et qui se chargent pour nous d’une vie, d’une âme, dont onva ensuite retirer l’enveloppe. Signalons au professeur sur ce thème la publication d’un autre non moinsdocte professeur, M. François Dagognet, et dont l’ouvrage La peau découverte l’intéresserait au plus haut point. En bon épistémologue, dans sa tradition française, il expose les différentes théories de lapeau, pour montrer que conformément aux recherches en épidémiologie, la peau n’est rien moins qu’une surface enveloppante. Elle en est plutôt une assise fondamentale pour le fonctionnement du corps. Et ce corps n’est pas assis sur son fondement, mais circonscrit par lui, dessinant sa limite d’avec le monde. 




William Fujiwara, 6 juillet 2023.




Distribution 

texte et dramaturgie Léonor Ilitch, Félix Blin-Bellomi, Robin Birgé

mise en scène Léonor Ilitch, aidée d’Adèle Couëtil

interprétation Félix Blin-Bellomi, Adèle Couëtil

construction scénographie Sevil Gregory, Lien Robin

musique Louison Assié, Félix Chaillou Delecourt

lumière Louison Assié

création vidéo Ana Mejia Eslava


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